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Notre ambassadeur Jean-Michel Lavergne s’est attaqué au 125 km lors de l’Ultra-Trail Harricana 2016. Voici son récit de course.

Il est deux heures du matin. Je n’ai pas dormi depuis la veille et pourtant, je me sens en pleine forme. Je suis au fil de départ de l’épreuve du 125km de l’UTHC 2016. La nuit est fraîche, la fébrilité est palpable. J’ai à peine le temps de vérifier mon équipement pour une dernière fois, que le départ est donné. Les coureurs sont lancés. Chacun avance à son rythme, de petits noyaux se forment.

Les kilomètres s’accumulent à mesure que les chemins rétrécissent et que la forêt se densifie. Et puis, après une vingtaine de kilomètres, on aperçoit la silhouette du Morios qui se découpe en ombre chinoise sur un ciel bleu-noir. J’arrête quelques instants au ravito, le temps de remplir mes bouteilles, et je repars. 

Après-coup, je me souviendrai de la montée du Morios comme étant le plus beau moment de la course. Le ciel étoilé, les lueurs de l’aube naissante, le petit matin encore noyé d’obscurité, l’horizon qui tourne au rouge, la fraîcheur de la rosée, les vapeurs qui montent du lac au lever du jour. Tout est magique. Mes sens sont comme démultipliés, je suis dans un autre monde, un autre monde où plus rien n’existe, sauf la course. Je reviens au pied de la montagne revigoré, revivifié, confiant pour la suite, sans trop me douter que le reste du parcours va me faire payer cher cet excès d’enthousiasme.

Il est déjà temps de repartir. Les coureurs se dispersent, chacun adoptant un rythme qui lui est propre. Vers 8h30, j’atteins le sommet de la Noyée. Je n’ai croisé personne depuis presque deux heures. La chaleur est déjà bien installée, pourtant, j’ai froid aux mains. Les signaux de fatigue commencent à se faire sentir. C’est comme si tout me ramenait, par la force des choses, à la profondeur de l’expérience intérieure, de la solitude et du silence. Par chance, je ne suis plus qu’à quelques kilomètres du point médian, le ravito des Hautes-Gorges. 

Une fois au ravito, je me change rapidement, avale quelques fruits et repars. Après deux kilomètres, je réalise que, par mégarde, j’ai oublié ma lampe aux Hautes-Gorges. Après une seconde d’hésitation, je me dis que je n’ai pas le choix, je dois rebrousser chemin, je vais en avoir besoin plus tard. Cet oubli me force à ajouter quatre kilomètres au compteur, quatre kilomètres qui, je le devine bien, risquent de peser lourd sur mon moral.

J’amorce ainsi la partie la plus longue et la plus pénible du parcours. Comme de raison, mon enthousiasme s’amenuise à mesure que j’avance. Le terrain est  instable, boueux, je dois me concentrer sur chaque pas pour ne pas perdre pied. Je vais bientôt manquer d’eau, j’ai mal calculé mes réserves. Je n’aurais jamais pensé que cette portion de la course serait aussi longue et difficile à compléter. Lentement, le doute s’installe. Le manque d’entrain s’immisce sous ma peau, alourdit chacun de mes pas. Une voix s’élève à l’intérieur de moi et me dit qu’il est trop tard, j’ai atteint un point de déshydratation duquel je ne pourrais probablement pas me relever. Vais-je être forcé à l’abandon? Il me reste un bon dix kilomètres pour y penser.

Vers 16 h, j’arrive, enfin, au ravito du Coyote. Je n’ai plus d’énergie, je suis déshydraté, je suis mort de fatigue. Mon corps m’envoie des signaux que je ne peux ignorer. Complètement vidé après 75 km de course, j’annonce aux responsables que c’est ici que mon parcours s’arrête. Je suis à plat, exténué, mais en même temps serein. J’ai donné tout ce qu’un coureur inexpérimenté peut donner dans les circonstances. J’ai sous-estimé l’importance d’une bonne stratégie d’approvisionnement. Je croyais être prêt, mais la réalité du parcours m’a vite rattrapée. N’empêche, j’ai appris des choses sur la course d’endurance qui, je l’espère, me serviront à l’avenir. Qui sait, peut-être pour l’édition 2017?