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Photo : Karine Maltais

Notre ambassadrice Isabelle Paquette a couru le 80 km lors de l’Ultra-Trail Harricana 2016. Voici son récit de course.

La panique de passer tout droit le matin tant attendu fait en sorte que je passe la nuit debout. Dès 4h00, je me prépare un bon café chaud. Le ciel est dégagé. Nous aurons une magnifique journée. Animé par la folie du moment et la peur de souffrir, je ne peux plus reculer maintenant. Le départ est lancé et les loups sont enflammés. 

La première portion se passe bien. Le parcours, relativement technique par endroit, monte et descend, mais je suis en contrôle. Entre les deux, il y a des petits moments d’accalmie. Je grimpe la montagne et j’ai des ailes!

Après avoir atteint l’apogée et une vue imprenable sur le paysage, c’est là que la première longue et interminable descente apparaît devant moi. J’ai l’impression d’être en chute libre vers le deuxième ravito. Heureusement, j’atteins le creux de la vague avant que mes jambes ne s’effondrent sur elles-mêmes.

J’ai la moitié de la course de fait. 

Cette pensée-là n’aurait pas dû exister. Entre deux montagnes… j’ai vécu un premier découragement. Je ne vivais plus le moment présent. Je ne pensais qu’à tout ce qui me restait à parcourir. Je me suis retrouvée seule face à moi-même pendant un bon bout de temps.

Toutefois, l’encouragement des bénévoles, quelques blagues et le moral revient. Alors que j’appréhende cette ascension, elle s’avérera plus facile que prévue. 50 km de fait. Je subis une légère baisse d’énergie. Je mange un peu et c’est réglé. J’atteins encore une fois le sommet, débordante d’énergie avec une vue incroyable sur la forêt boréale.

Cependant, tout ce qui monte redescend. À ce moment-là, je constate que j’ai de plus en plus de difficulté dévaler les sentiers. Si bien que je remets en doute ma capacité de terminer la course. J’essaie donc de garder le focus sur le 63ième km, là où mon conjoint m’accompagnera pour le reste du parcours. Je ne serai plus seule.

Le voilà enfin. Il me reste alors 17 km incluant JUSTE une montée de 2 km : le Mont Grands-Fonds. Le sourire aux lèvres, j’entame donc cette ascension rassurée par sa présence alors qu’il est en pleine forme et moi je suis totalement épuisée, ce qui ne m’empêche pas de dire quelques absurdités de temps à autre. 

Je monte, je monte… ça va « relativement bien » jusqu’au premier détour de l’ascension ou je réalise que j’ai clairement sous-estimé le film d’horreur qui se dresse devant moi. Découragement total, je commence à me transformer en monstre. Rien de ce que je dis n’est clair ou réfléchis… Mon accompagnateur vient de se transformer en sac de boxe à discours délirant… 

Au-dessus de la montagne, alors que c’est majestueux ; au diable le décor ! Terminer, c’est tout ce que je demande. Incapable de redescendre, je suis littéralement bloqué au sommet. 

Je réussi finalement à courir et tenter d’ignorer la douleur qui m’afflige. Pourquoi n’y a-t-il pas une station d’abandon au sommet? Un VTT? Un camion? Un hélicoptère? Mes jambes veulent exploser. Mes genoux veulent fendre. J’ai mal! J’ai trop mal! Je m’auto-diagnostique environ cinq blessures graves. Mais je ne peux pas abandonner. Alors je cours sur mes pseudo-diagnostics.

Mon corps est en train de se momifier mais je sens que la fin approche. J’entends les encouragements. Les émotions s’emparent de moi. Elles me donnent juste assez d’ailes pour voler… à peu près comme un poulet barbecue… car je suis littéralement rôtie. Je traverse la ligne d’arrivée, après 11 h 57 d’effort, le cœur gros et les yeux dans l’eau. C’est à ce moment que je hurle : plus jamais! Et une semaine plus tard… j’étudiais minutieusement le parcours du 125 km… À l’an prochain!